Pour quelles raisons les membres du Groupe Manouchian se sont-ils engagés pour libérer la France ?
Recherche de Emilia Maslyk, Rahima Mounpayoum et Arsène Salaun.
Durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux étrangers se sont engagés pour défendre la France et comme par exemple un groupe très particulier : le groupe Manouchian rendu célèbre par « l'affiche rouge ».
Durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux étrangers se sont engagés pour défendre la France et comme par exemple un groupe très particulier : le groupe Manouchian rendu célèbre par « l'affiche rouge ».
Le
réseau Manouchian était constitué de 23 résistants connus, dont
20 étrangers et une femme, ils étaient dirigé par un Arménien,
Missak Manouchian. Ce groupe faisait partie des Francs-tireurs et
partisans - Main-d'œuvre immigrée ( en abbrégé FTP-MOI ) de
Paris, un grand réseau de résistance fondé en 1942 dont Missak
Manouchian dirigeait une cent-cinquantaine d'hommes, 68 d'entre eux
sont arrêtés en novembre 1943 suite à des filatures mais seuls 23
d'entre eux sont condamnés à mort et serons connus du fait de
« l'affiche rouge ».
Un
étranger est quelqu'un d'un autre pays, qui n'a pas la nationalité
du pays où il se trouve.
Le
groupe a agi durant la Seconde Guerre mondiale et était un élément
fondamental de la résistance intérieure française.
S'engager
signifie prendre nettement position, en particulier sur des problèmes
politiques,
sociaux ou économiques.
sociaux ou économiques.
Pourquoi
les membres du groupe Manouchian se sont-ils engagés pour défendre
la France ?
Nous
nous intéresserons tout d'abord aux caractéristiques de ce groupe
et de ces membres après quoi nous étudierons les raisons de leur
engagement.
Partie
I : qui composaient le groupe Manouchian ?
Le
groupe Manouchian, a acquis ce nom suite à la réalisation de
l'affiche rouge qui mettait en avant 23 résistants du FTP-MOI qui
avaient été capturés et exécutés, ils étaient dirigés par
Missak Manouchian, c'est pourquoi ce nom a été attribué au groupe.
Le
FTP-MOI est issu de la fusion entre un syndicat d'ouvriers immigrés
proche de Moscou, le MOI ( Main d’œuvre immigrée ) et d'un autre
groupe résistant : le FTP ( francs tireurs et partisans ). Ce
groupe résistant est dirigé à Paris par Joseph Hepstein et Missak
Manouchian est l'un de ses lieutenant : il commande près de 150
personnes. Il est composé de travailleurs, principalement issus de
l'immigration mais également de juifs fuyant la Shoah et d'autres
résistants ou opposants ( à Franco, à Mussolini ou à Hitler ).
Tous
les membres du groupe Manouchian sont issus du groupe FTP-MOI.
Le
groupe Manouchian a été connu du grand public
grâce
à « l'affiche rouge »qui était censée dénoncer les
résistants comme étant des assassins étrangers juifs communistes(
des caractéristiques qui faisait d’eux des ennemis ou des boucs
émissaires des nazis et des population en générale à cette époque
). Le réseau Manouchian était constitué de 23 résistants connus (
figurants sur l'affiche rouge en 1944 ), dont 20 étrangers et une
femme, des Espagnols rescapés de Franco, enfermés dans les camps
français des Pyrénées, des Italiens résistant au fascisme, des
Arméniens et des Juifs surtout ayant échappés à la rafle du
Vel'd'Hiv de juillet 1942. Ils exerçaient des métiers ouvriers peu
qualifiés pour la plupart tel que menuisier, maçon, mécanicien,
minier, tapissier, serrurier, gantier, ouvrier du bâtiment, tourneur,
cordonnier, ou ouvrier d'usine et agricole. Ils sont donc arrêtés
en novembre 1943 et jugés en février 1944, condamnés à mort le 21
février 1944. Les 22 hommes sont fusillés le même jour au fort du
Mont-Valérien. La plupart d'entre eux sont enterrés dans le
cimetière d'Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, où une stèle a
été érigée en leur mémoire. Olga Bancic, la seule femme du
groupe, est décapitée le 10 mai de la même année à Stuttgart, en
application du manuel de droit criminel de la Wehrmacht interdisant
alors de fusiller les femmes. Le groupe Manouchian a lutté en
démoralisant des soldats allemands, en les aidant à déserter, ils
avaient également pour rôle de recruter des agents allemands pour
le renseignement, ils distribuaient des tracts et ont notamment été
connus pour l'assassinat du général Julius Ritter, responsable de
la mobilisation de la main-d'œuvre dans l'Europe occupée par les
nazis, le 28 septembre 1943,enfin ils effectuaient également des
sabotages. Le groupe Manouchian a accompli près de trente opérations
dans Paris du mois d'août à la mi-novembre 1943. En effet, ils
n’ont commencé leurs actions qu’à la rupture du pacte
germano-soviétique car ils étaient très proches des parti
communiste français et russes et recevaient d’eux des ordres de
non-intervention. Il y a cependant eu conflit de valeur pour la
plupart des membres qui voyaient s’affronter leur attachement à
l’URSS avec leur attachement à un grand nombre de lois
républicaines bafouées par les nazis.
Missak
Manouchian, le chef du groupe éponyme vient d'une famille de
paysans, il est né le 1er
septembre 1906 dans l'Empire Ottoman, c'est un rescapé du génocide
arménien. Il est formé au métier de menuisier et émigre en France
en 1925. C'est
un poète
arménien
et immigré
résistant.
Il
est ouvrier tourneur
et est syndiqué dans un syndicat proche du parti communiste, il
s'engage
à la suite de la crise
du 6 février 1934
dans le militantisme antifasciste
qu'anime le mouvement communiste
et devient en juillet 1935 un cadre du Komintern
en prenant la tête d'une revue de l’internationale communiste.
Il
entre dans la Résistance en 1941, à la rupture du Pacte
germano-soviétique, et est versé en février 1943 dans les FTP-MOI
de la région parisienne. Alors que les arrestations se multiplient,
il est choisi en août 1943 pour être le commissaire militaire
d'une partie du FTP-MOI et est arrêté trois mois plus tard. Figure
d'une résistance armée contraire à l'attentisme prôné tant par
les gaullistes que par des communistes tel Marcel Cachin, il meurt
« en soldat régulier de l’Armée française de la
Libération » avec vingt-deux de ses camarades de l'Affiche
rouge, ceux que dans ces poèmes il surnommait des « étrangers
et nos frères pourtant ».
Missak
et sa femme, Mélinée ( résistante elle aussi ) ont été hébergés
par les parents de Charles Aznavour, des amis fidèles du couple qui
ont été les principales personnes à témoigner de l'héroïsme du
chef du groupe éponyme.
Bancic
Golda dite Olga ou Pierrette est une des seules femmes du groupe
Manouchian et est la seule à avoir été exécutée, elle vient d'une
famille juive et est née le 10 mai en 1912 à Kichinev en Roumanie.
Militant très tôt aux Jeunesses communistes elle fut arrêtée à
seize ans par la police roumaine. Elle est mariée au même âge à
Alexandre Jar avec lequel elle part à Bucarest où elle manifeste
quelques mois plus tard. Suite à son arrestation elle est condamnée
à deux ans de prison et devient clandestine, elle quitte la Roumanie
pour la France en 1938. Dès le début de l'Occupation, elle rejoint
le FTP-MOI sous le matricule 10011 et sous le pseudonyme «Pierrette»
assurant le transport des armes et des munitions lors des actions du
groupe. Dans le même temps elle venait d’avoir un enfant et a dû
choisir entre son rôle de mère de famille et celui de résistante,
ainsi elle est intéressante pour la force de son engagement
vis-à-vis de ses valeurs qui l’a amenée à un tel choix ( elle a
en plus été à l’encontre des normes sociales de l’époque qui
imposaient aux femmes un statut de femme au foyer ). Le 16 novembre
1943, elle est arrêté par 6 inspecteurs de la BS2 ( Brigades
Spéciales de police contre le communisme) et est torturée dans les
locaux de la Brigade. Transférée en Allemagne, elle fut condamnée
à mort à Stuttgart et guillotinée dans la cour de la prison le
jour de son trente-deuxième anniversaire, le 10 mai 1944.
Partie
II : pour quelles valeurs s'engagent les membres du groupe Manouchian ?
Nous avons vu que
le groupe Manouchian est un groupe d'étrangers qui s'est engagé
pour défendre la France
Les
membres du groupe Manouchian viennent de milieux ouvriers, tels que
des tapissiers, des menuisiers, des cordonniers, des mécaniciens.
S'engager
signifie prendre nettement position, en particulier sur des problèmes
politiques,
sociaux ou économiques.
sociaux ou économiques.
On
note au sein de ce groupe trois valeurs clefs ( qui leur ont été
inculquées dans leur jeunesse mais aussi et surtout dans leur milieu
socio-professionnel ) : la démocratie, les libertés
politiques, les droits de l’homme ( liberté de parole, liberté de
la presse, liberté de pensée…).
- La
démocratie est d'après les membres du CNR ( le Conseil National de
la Résistance, une alliance entre différents groupes résistants )
à la fois politique (donner la parole au peuple) et économique
puisque dans les «réformes indispensables» ( texte écrit et signé
par les membres du CNR ) ces membres souhaitent « l’instauration
d’une véritable démocratie économique et sociale […] ;
une organisation rationnelle de l’économie assurant la
subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général ».
Quelques lignes plus loin, les signataires veulent développer « la
participation des travailleurs à la direction de l’économie. »
Mais « le pouvoir pour le peuple par le peuple » reste
une valeur essentielle de ces groupes.
L'ensemble
de ces valeurs est d'autant plus important pour les membres du groupe
Manouchian car ce sont des valeurs que l'on retrouve dans les
discours communistes, syndicalistes et ouvriers, mouvements auxquels
sont affiliés le groupe.
- Ils
suivent également la pensée du CNR en ce qui concerne le
rétablissement des libertés fondamentales d'un système
démocratique : la liberté de pensée, de conscience, d'expression,
de la presse, d'association, de réunion, de manifestation... En
effet, les régimes dicatoriaux, comme celui en vigueur en France (
le régime de Vichy ) à cette époque vont à l'encontre des valeurs
de liberté de la démocratie.
En
effet, le régime de Vichy n'avait plus rien d'une démocratie : de
nombreuses libertés individuelles ( celles citées plus haut )
avaient été bafouées, le chef de l'Etat, le maréchal Pétain,
n'avait pas été choisi par le peuple et la politique menée était
autoritaire et discriminatoire.
- Les
droits humains sont déclinés par les signataires du programme du
CNR autour du pivot fondamental de l’égalité. Outre les notions
déjà citées ci-dessus : « le respect de la personne
humaine ; l’égalité absolue de tous les citoyens devant la
loi », les signataires précisent vouloir obtenir : « -
la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à
chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la
possibilité d’une vie pleinement humaine ; - la possibilité
effective pour tous les enfants français de bénéficier de
l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée
quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que
les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous
ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit
ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite,
et constamment renouvelée par les apports populaires. »
Les
membres du groupe Manouchian, et en général du FTP-MOI, sont pour
la très grande majorité des ouvriers, issus
des
classes populaires et sympatisants du parti communiste.
Les
relations entre les membres de FTP-MOI sont apparentables à des
relations de groupe, en effet ils ont des caractéristiques, des
intérêts et des objectifs communs.
Il
est à noter que les membres du groupe Manouchian viennent à la base
déjà de milieux dans lesquels se sont formés de fortes relations
de groupes dont on peut citer deux majeures :
- Ils
sont déjà pour la très grande majorité issus de classes ouvrières
populaires et bien souvent de l'immigration. Or, pour pouvoir traiter
d'égal à égal avec le patronat, détenteur des moyens de
productions et donc par essence possédant plus de pouvoir que les
prolétaires ils ont dû s'organiser en syndicats et ainsi former un
groupe autour d'objectifs communs ( faire valoir et respecter leurs
droits ) et face à un même "opposant" ( le patronat ). Le
FTP-MOI est d'ailleurs basé sur l'alliance entre un groupe résistant
et un syndicat ( alliance des "Francs-Tireurs et Partisans"
avec le syndicat "Main d'Oeuvre Immigrée" ).
- Les
membres du groupe appartiennent également pour beaucoup à un second
groupe : Beaucoup sont juifs, un peuple qui a très souvent été
persécuté dans l’histoire et dont la persécution est d’ailleurs
au paroxysme dans les années 1930 ( par exemple lors de la nuit de
cristal en 1936 ) et qui a dû, pour survivre, voir ses membres
former un groupes très soudé et solide.
Ainsi,
cette notion de groupe qui leur est essentielle est évidemment la
réponse logique face à une force bien supérieure à eux qu'est un
Etat, mais est aussi la réponse à des liens et des groupes créés
bien plus tôts. Cette idée est confirmée par le fait que de
nombreuses valeurs déjà présente dans leurs anciens groupes ont
été apportés dans le nouveau. Mais il est essentiel de constater
que c'est autour de toutes ces valeurs que c'est construit le groupe
Manouchian, en effet, ce qui les a poussé à désobéir à l'Etat et
donc à devenir des déviants, c'est justement lutter pour des
valeurs qui n'étaient désormais plus reconnues par l'Etat, c'est
donc grâce à ces valeurs, qui peuvent être parfois très
différentes que les membres se sont trouvé un solide point commun.
En poursuivant ainsi des valeurs qui leurs sont chères au détriment
d'autres ( respect de l'Etat ) ils sont devenus des déviants
positifs.
Pour
cette désobéissance civile positive, ils ont été remerciés il y
a quelques années par un transfert des cendres de Missak Manouchian
au Panthéon et la nomination au rang de commandeur de la Légion
d'Honneur ( dernier grade de cette dernière ) du dernier survivant
de l'affiche rouge : Arsène Tchakarian.
Arsène
Tchakarian, a reconstitué les multiples attaques perpétrées au
cours de l'année 1943 par l'équipe dirigée par le poète arménien
Missak Manouchian, avant qu'elle ne soit démantelée.
Il a raconté l'objectif du groupe de déstabiliser les troupes occupantes. Il a décrit les déraillements de trains, attaques de pylônes, exécutions d'hommes, nazis comme collaborateurs, récupération de documents au domicile de communistes arrêtés… Il a repositionné chacun des protagonistes dans ces actions, a décrit le mode opératoire, les repérages, les fuites à bicyclette, l'organisation du groupe Manouchian… lorsque lui-même, alors âgé de 22 ans, a participé à l'attaque d'un autocar rempli d'officiers allemands en juin 1943 ou trois mois plus tard à des repérages qui ont conduit trois de ses compagnons à abattre Julius Ritter, colonel SS qui supervisait alors en France le Service de travail obligatoire.
Il a raconté l'objectif du groupe de déstabiliser les troupes occupantes. Il a décrit les déraillements de trains, attaques de pylônes, exécutions d'hommes, nazis comme collaborateurs, récupération de documents au domicile de communistes arrêtés… Il a repositionné chacun des protagonistes dans ces actions, a décrit le mode opératoire, les repérages, les fuites à bicyclette, l'organisation du groupe Manouchian… lorsque lui-même, alors âgé de 22 ans, a participé à l'attaque d'un autocar rempli d'officiers allemands en juin 1943 ou trois mois plus tard à des repérages qui ont conduit trois de ses compagnons à abattre Julius Ritter, colonel SS qui supervisait alors en France le Service de travail obligatoire.
Conclusion
Nous
avons vu que de nombreuses raisons ont poussé les membres du groupe
Manouchian à s'engager dans la Résistance française : ils ont
une même vision de la démocratie, et sont prêts à la défendre
partout, de plus ils ont su se trouver un objectif commun malgré
leurs différences.
Il
serait intéressant, aujourd'hui, alors que le conservatisme et le
nationalisme progressent partout dans le monde, de se retourner vers
ces héros, et de voir qu'alors qu'ils venaient d'un autre pays,
qu'ils avaient une autre culture et qu'ils étaient issus de classes
méprisées et exploitées par les classes dominantes ils ont su se
battre et mourir pour notre pays.
C’est
pourquoi nous demandons que la rue de Villemomble « Alexis
Carrel », membre d’un parti collaborationniste et inventeur
de l’eugénisme, doctrine fondamentale de l’horreur nazie, soit
renommée « Manouchian » ou « Bancic » en
l’honneur de ces héros.
Nos sources :
Dictionnaire
de Sciences économique et sociales
Le
Monde n° 21499 Valeur de la Résistance Mars 2014
Pourquoi
militer ? N° 225 Sciences humaines Avril 2011
Sciences
humaines numéro spécial Mai 2016
Site
internet sur une exposition sur le groupe Manouchian à
Ivry-sur-Seine en 2004
Film
: La traque de L’affiche rouge de Jorge Amat et Denis Peschanski
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